dimanche 22 juillet 2012

L’accompagnatrice - Nina Nikolaevna Berberova




Début du XXème, Saint Pétersbourg, deux femmes. L’une est accablée par la honte et la misère ; l’autre, mieux lotie, mieux entourée, a la vocation du bonheur. Leurs destins se croisent. La première sera-t-elle entraînée par l’élan de la seconde et pourra-t-elle échapper à son sort ?  

Le résumé
La grand-mère était professeur de musique et veuve. La mère donne  des leçons de piano et est fille mère. La vie est rude. A 15 ans, la fille, Sonechka, apprend que son père était un élève de sa mère, un jeune homme de 19 ans, ignorant probablement sa paternité. Elle est pleine de pitié pour sa mère et pense qu’elles sont, l’une pour l’autre, une honte irrémédiable. A 18 ans, Sonechka a fait le Conservatoire comme sa mère et sa grand-mère. Elle est sans travail, sans amour, sans espoir.

C’est la Révolution d’octobre, la famine, le froid. Mitenka, l’unique élève qui était resté à sa mère, est souvent chez les deux femmes. Un soir, il propose à Sonetchka, devenir l’accompagnatrice d’une cantatrice, Maria Nikolaevna Travina.

La mère et la fille vont se quitter avec un sentiment d’impuissance : la mère n’a pas été d'un grand secours pour la fille ; la fille n'apporterait pas grande consolation à la mère. 

Maria Nikolaevna Travina ouvre sa maison à Sonechka et lui explique ce qu’elle attend d’elle. Cette maison est  bien chauffée, bien meublée, fleurie. Sonechka ne l’écoute pas, elle est envahie par un profond sentiment de bien-être.

Tout de suite, ce bien-être suscite malaise et révolte. Qu’est ce que cette injustice ? Pourquoi le malheur l’a-t-il vaincue, comme sa mère et bien d’autres en Russie ? Pourquoi a-t-il épargné  cette femme, belle et assurée, son appartement confortable et son chat bleu fumée ? Leurs destins se nouent pourtant. Le talent de la cantatrice la subjugue. Le travail, les concerts, les repas partagés avec Maria Nikolaevna et son mari, Pavel Fedorovitch, la présence de deux hommes autour de Maria : Senia, un militaire connu du mari, et André Grigorievitch Ber, tissent la vie quotidienne. Bientôt Sonechka s’installe chez Maria. Lors du premier récital, Sonechka pense qu’elle n’a aucun rôle dans le succès de Maria Nikolevna, que toute gloire, tout bonheur vont à Maria, que rien n’est pour elle. 

Puis, c’est le départ pour Moscou. A Moscou, il n’est pas possible de supporter les autorités bolchéviques. Il faut fuir. Pavel Fedorovitch organise tout. C’est le départ pour Rostov, Constantinople, Paris en 1920.
André Grigorievitch Ber est aussi à Paris. 

Les premiers concerts sont des succès, mais Sonechka se sent toujours inexistante en scène, admire toujours autant  Maria Nikolaevna et hait tant de perfection. Elle veut trouver la faille, la  blessure que cache Maria Nikolaevna. Il n’est pas possible qu’elle, Sonechka, traîne tant de souffrance et que Maria Nikolaevna soit indemne. 

Maria Nikolaevna est emportée dans un tourbillon parisien et ne veut plus entendre parler de récital à Milan, ni à New York. Sonechka découvre un revolver dans les affaires de Pavel Fdorovitch, note de brèves absences de Maria Nikolevna dans la journée, elle la voit évoluer, devenir plus douce, plus belle, plus appliquée dans son travail. Sonechka pense pouvoir pardonner le bonheur de Maria si elle la voyait souffrir ou si Maria lui confiait  son secret. Maria ne se confie pas. Alors, Sonechka va l'épier. 
Maria Nikolevna suivra son destin en Amérique ; Sonechka jouera du piano dans un cinéma.

L’intérêt du livre
Tout l’art de Nina Nikolaevna Berberova est dans la construction du récit et l’économie de moyens. Sonechka est la narratrice et raconte 25 ans de sa vie en à peine plus de100 pages. Il faut 50 pages pour arriver jusqu’à Moscou, 50 pages pour atteindre à Paris le moment du drame, moins de 10 pages pour conclure.

Dans la première partie, quelques lignes suffisent à décrire la solitude des femmes, quelques paragraphes suggèrent la faible présence des hommes autour de Sonechka : Mitenka, le baryton qui n'a pas de nom, Evguéni Ivanovitch qui ne donne pas de nouvelle. Quand il s'agit de travailler ou de concerts, les scènes sont plus longues,  se répètent, accroissent le malaise de Sonechka et augmentent la tension dans le récit. Souvent, de brèves notations rendent compte de la situation. Leur concision soulève l’admiration. A retrouver dans les citations.

Ce court récit est construit comme un moment musical : montée en puissance, reprise de quelques thèmes et amplification, explosion du drame et retour au silence. Sonechka était-elle une excellente accompagnatrice et un brillant écrivain ? Elle ne l'a jamais su.

Citations
« Non, ma Sonetchka, nous n’avons pas de papa. Notre papa est mort. »
« Mais en plus de cela. Je compris que maman était ma honte comme j’étais la sienne. Et que toute notre vie était marquée d’une irréparable « honte ». »
« Etre ensemble. Ni ma mère, ni moi n’avons jamais été ensemble avec personne. Elle refusait la gloire pour des rendez-vous brefs et secrets. Avec qui ? Qui était ce Ber ? »
« ….-mais je suis heureuse de l’existence même ! Je ne sais même pas de quoi- de respirer, de chanter, de vivre dans ce monde. »

L’auteur
NinaNikolaevna Berberova est née en 1901 à Saint Pétersbourg. En 1922, elle fuit la Russie et arrive à Berlin. En 1924, elle s’installe à Paris ; en 1950, à New York. Elle meurt à Philadelphie en 1933.

Référence
L'accompagnatrice - Maria Nikolaevna Berberova - Traduit du russe par Lydia Chweitzer - Ed. Actes Sud - 109 pages -  ISBN 2-86869-048-3 - 
Couverture Pavel Fedotov : portrait de Nadejda Jdanovitch au piano

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