Début du XXème, Saint
Pétersbourg, deux femmes. L’une est accablée par la honte et la misère ; l’autre, mieux lotie, mieux entourée, a la vocation du bonheur.
Leurs destins se croisent. La première sera-t-elle entraînée par l’élan de la
seconde et pourra-t-elle échapper à son sort ?
Le résumé
La
grand-mère était professeur de musique et veuve. La mère donne des leçons de piano et est fille mère. La vie
est rude. A 15 ans, la fille, Sonechka, apprend que son père était un élève de
sa mère, un jeune homme de 19 ans, ignorant probablement sa paternité. Elle est
pleine de pitié pour sa mère et pense qu’elles sont, l’une pour l’autre, une
honte irrémédiable. A 18 ans, Sonechka a fait le Conservatoire comme sa mère et
sa grand-mère. Elle est sans travail, sans amour, sans espoir.
C’est
la Révolution d’octobre, la famine, le froid. Mitenka, l’unique élève qui était
resté à sa mère, est souvent chez les deux femmes. Un soir, il propose à
Sonetchka, devenir l’accompagnatrice d’une cantatrice, Maria Nikolaevna Travina.
La mère et
la fille vont se quitter avec un
sentiment d’impuissance : la mère n’a pas été d'un grand secours pour la
fille ; la fille n'apporterait pas grande consolation à la mère.
Maria Nikolaevna Travina ouvre sa maison à Sonechka et lui explique ce qu’elle attend d’elle. Cette maison est bien chauffée, bien meublée, fleurie. Sonechka ne l’écoute pas, elle est envahie par un profond sentiment de bien-être.
Maria Nikolaevna Travina ouvre sa maison à Sonechka et lui explique ce qu’elle attend d’elle. Cette maison est bien chauffée, bien meublée, fleurie. Sonechka ne l’écoute pas, elle est envahie par un profond sentiment de bien-être.
Tout
de suite, ce bien-être suscite malaise et révolte. Qu’est ce que cette
injustice ? Pourquoi le malheur l’a-t-il vaincue, comme sa mère et bien
d’autres en Russie ? Pourquoi a-t-il épargné cette femme, belle et assurée, son appartement
confortable et son chat bleu fumée ? Leurs destins se nouent pourtant. Le
talent de la cantatrice la subjugue. Le travail, les concerts, les repas partagés
avec Maria Nikolaevna et son mari, Pavel Fedorovitch, la présence de deux
hommes autour de Maria : Senia, un militaire connu du mari, et André
Grigorievitch Ber, tissent la vie quotidienne. Bientôt Sonechka s’installe chez
Maria. Lors du premier récital, Sonechka pense qu’elle n’a aucun rôle dans
le succès de Maria Nikolevna, que toute gloire, tout bonheur vont à Maria, que
rien n’est pour elle.
Puis,
c’est le départ pour Moscou. A
Moscou, il n’est pas possible de supporter les autorités bolchéviques. Il faut
fuir. Pavel Fedorovitch organise tout. C’est le départ pour Rostov,
Constantinople, Paris en 1920.
André
Grigorievitch Ber est aussi à Paris.
Les
premiers concerts sont des succès, mais Sonechka se sent toujours inexistante
en scène, admire toujours autant Maria
Nikolaevna et hait tant de perfection. Elle veut trouver la faille, la blessure que cache Maria Nikolaevna. Il n’est
pas possible qu’elle, Sonechka, traîne tant de souffrance et que Maria
Nikolaevna soit indemne.
Maria
Nikolaevna est emportée dans un tourbillon parisien et ne veut plus entendre
parler de récital à Milan, ni à New York. Sonechka découvre un revolver dans
les affaires de Pavel Fdorovitch, note de brèves absences de Maria Nikolevna
dans la journée, elle la voit évoluer, devenir plus douce, plus belle, plus
appliquée dans son travail. Sonechka pense pouvoir pardonner le bonheur de
Maria si elle la voyait souffrir ou si Maria lui confiait son secret. Maria ne se confie pas. Alors, Sonechka va l'épier.
Maria
Nikolevna suivra son destin en Amérique ; Sonechka jouera du piano dans un
cinéma.
L’intérêt du livre
Tout
l’art de Nina Nikolaevna Berberova est dans la construction du récit et l’économie
de moyens. Sonechka est la narratrice et raconte 25 ans de sa vie en à peine plus de100 pages. Il
faut 50 pages pour arriver jusqu’à Moscou, 50 pages pour atteindre à Paris le
moment du drame, moins de 10 pages pour conclure.
Dans la première partie, quelques lignes suffisent à décrire la solitude des femmes, quelques paragraphes suggèrent la faible présence des hommes autour de Sonechka : Mitenka, le baryton qui n'a pas de nom, Evguéni Ivanovitch qui ne donne pas de nouvelle. Quand il s'agit de travailler ou de concerts, les scènes sont plus longues, se répètent, accroissent le malaise de Sonechka et augmentent
la tension dans le récit. Souvent,
de brèves notations rendent compte de la situation. Leur concision soulève l’admiration.
A retrouver dans les citations.
Ce
court récit est construit comme un moment musical : montée en puissance,
reprise de quelques thèmes et amplification, explosion du drame et retour au
silence. Sonechka était-elle une excellente accompagnatrice et un brillant écrivain ? Elle ne l'a jamais su.
Citations
« Non,
ma Sonetchka, nous n’avons pas de papa. Notre papa est mort. »
« Mais
en plus de cela. Je compris que maman était ma honte comme j’étais la sienne.
Et que toute notre vie était marquée d’une irréparable
« honte ». »
« Etre
ensemble. Ni ma mère, ni moi n’avons jamais été ensemble avec personne. Elle
refusait la gloire pour des rendez-vous brefs et secrets. Avec qui ? Qui
était ce Ber ? »
« ….-mais
je suis heureuse de l’existence même ! Je ne sais même pas de quoi- de
respirer, de chanter, de vivre dans ce monde. »
L’auteur
NinaNikolaevna Berberova est née en 1901 à Saint Pétersbourg. En 1922, elle fuit la
Russie et arrive à Berlin. En 1924, elle s’installe à Paris ; en 1950, à
New York. Elle meurt à Philadelphie en 1933.
Référence
L'accompagnatrice - Maria Nikolaevna Berberova - Traduit du russe par Lydia Chweitzer - Ed. Actes Sud - 109 pages - ISBN 2-86869-048-3 -
Couverture Pavel Fedotov : portrait de Nadejda Jdanovitch au piano
Couverture Pavel Fedotov : portrait de Nadejda Jdanovitch au piano
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