Un homme, une femme ; 50 ans de bonheur. Alzheimer : 10 ans de malheur. La femme succombera à la maladie ; l'homme aurait pu ne pas en réchapper.
Le résumé
L'histoire commence le 11 août 1999, un jour d'éclipse, où Serge Rezvani obtient la confirmation d'un diagnostic qu'il connaît déjà et que sa femme ne peut plus admettre. Tout ce qui fait le charme, l'intelligence, la beauté de sa femme, tout ce qui constitue leur complicité et leur amour va s'évanouir. Il va vivre avec "une morte sans cadavre".
Elle, elle essaie de plaisanter de ses oublis, elle lui reproche son irritabilité. Pendant de rares instants, elle retrouve un peu de lucidité pour se rapprocher de son mari et contrer ensemble la maladie. Mais une
femme qui n'est plus elle, surgit. Son regard change. Elle perd
l'écriture, la lecture, le sens du temps, la parole, elle ne prend plus soin d'elle...
Lui s'angoisse, s'exaspère, se désespère et s'en veut. Il souffre devant cette femme qui fut si belle et qui se maquille comme un clown, devant cette femme qui l'a tant séduit et qui n'accepte plus que des câlins pour petites filles, devant cette femme qui dénie son action et le laisse seul et épuisé.
La femme d'avant, Lula, disparaît. Danièle prend sa place. L'homme de maintenant vacille. Ecrire est le moyen de survivre.
L'intérêt du livre
C'est de nous laisser percevoir le quotidien épouvantable des malades, de leur entourage et la puissance salvatrice de l'écriture. Ecrire pour sublimer le bonheur des années heureuses ; Rezvani l'a déjà fait. Ecrire pour faire face à 10 ans de malheur est aujourd'hui son remède. Il sublime toujours la femme d'avant et leur passé. Nous, nous pouvons nous interroger sur un enfermement inquiétant et étouffant dans le vallon méditerranéen et le cocon amoureux.Il examine la situation avec précision, note les incidents de la vie quotidienne. Il crie sa douleur, son désir de vivre et de créer, pleure son Eurydice perdue. On est sensible à la tension, au lyrisme du style. Mais on s'ennuie aussi de redites, on se perd dans le flot des mots. Quelques images restent : le pin abattu près de la maison et les billots de bois fendus qui fournissent encore des moments de bonheur, des laves de sphex dévorant leur proie, des
crapauds mâles accrochés sur les femelles de Verrières le Buisson. Et l'énergie déployée à tout instant pour lutter contre la maladie, maintenir le cadre de vie, rester fidèle au passé et se sauver par une création littéraire soulève notre admiration.
Citations
"Comme tu me manques, ma chérie d'il y a 10 ou 15 ans. Plus jamais personne à qui parler comme nous parlions ! Si proches ! Et, elle, la nouvelle, elle, devenue par moments ennemie. Alors je geins."
"Et j'allais, soulagé
d'être sans celle d'aujourd'hui.... et combien désespéré d'être sans
celle d'hier !... me demandant si je pourrais encore vivre si elle
disparaissait maintenant toute malade qu'elle est."
"Tu ne te rends pas compte à quel point je refuse de mourir vivant ! Et pour ne pas mourir vivant, pour continuer à lui apporter de la vie, pour lui insuffler de la vie, je dois continuer plus que jamais à vivre, en plus de sa maladie, ma propre vie créatrice et intellectuelle.... Renoncer à créer ? Renoncer à m'exprimer ? Non, ça jamais !
"Depuis que je l'écris, il me semble extraire de moi ce poison, comme si de le mettre dans la lumière des mots lui faisait perdre de sa virulence."
L'auteur
Ici, une biographie de Serge Rezvani
Pour le plaisir
Jeanne Moreau chante Le Tourbillon et J'ai la mémoire qui flanche de Serge Rezvani.
Elle est accompagnée par S. Rezvani dans Le Tourbillon.
Références
L"éclipse - Serge Rezvani - Actes Sud - Mai 2003 - ISBN 2-7427-4352-9
La couverture représente Lula, peinte par Serge Rezvani. Le cliché est de François Deladerrière.
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